L’éveil de la nature fait jaillir des forêts une multitude de belles fleurs au pied des grands arbres. Qui sont ces belles des bois qui composent l’essentiel de la flore du printemps?

La flore indigène du Québec recèle de vrais trésors et c’est au printemps que l’on découvre, pour qui sait regarder, certaines plantes fort jolies. Étonnamment, c’est majoritaire de blanc que se couvre le sol des forêts de feuillus et des forêts mixtes. Peu nombreuses sont les fleurs vivement colorées. Ces plantes profitent de l’absence de feuilles dans les arbres pour gober un maximum de soleil et assurer, vite fait bien fait, leur reproduction.

Sanguinaire
Parmi les toutes premières à s’épanouir dès la fonte des neiges, la sanguinaire du Canada (Sanguinaria canadensis) est une plante extraordinaire qu’il faut traiter avec respect. En effet, elle figure parmi les neuf espèces floristiques vulnérables à la récolte. Elle est donc protégée par la loi au Québec. Magnifique feuillage glauque à forme particulière, il enveloppe une belle fleur blanche qui ne dure que quelques jours. On connaît bien la sanguinaire pour sa sève écarlate qui justifie son nom commun. À quelques kilomètres au nord du fleuve Saint-Laurent, elle devient rare. Notre flore hâtivement printanière verra aussi apparaître l’épigée rampante (Epigea repens) et l’hépatique à lobes aigus (Hepatica acutiloba), elles aussi, présentes le temps d’un clin d’œil.

Trille blanc
Celui qui forme de vastes tapis immaculés dans les forêts peu dérangées, c’est le trille blanc (Trillium grandiflorum). Présent dans les forêts de l’Ontario (dont il est l’emblème floral), du Québec et de l’Écosse. Même s’il est abondant dans certaines parties du sud de la province, ce trille figure aussi sur la liste des espèces vulnérables à la récolte. En effet, de la semence à la première fleur, il peut s’écouler de sept à dix ans. En sa compagnie, on croisera aussi le trille rouge (Trillum erectum) avec ses belles fleurs d’un rouge bourgogne. On l’appelle aussi le trille dressé, même si sa fleur a un port légèrement retombant.

Trille ondulé
Plus au nord, dans les forêts d’épinettes, les pessières et aux abords des tourbières, c’est le trille ondulé (Trillium undulatum), avec ses pétales rose pâle et ondulés (il porte bien son nom, quand même) que l’on croisera en rassemblements de quelques individus.

Érythrone d’Amérique
Omniprésente dans à peu près tous les types de forêts, l’érythrone d’Amérique (Erythronium americanum) croit en vastes colonies. Cette petite étoile jaune au feuillage tacheté de brun porte aussi le nom d’ail doux.

Claytonie de Caroline
L’œil averti saura déceler la claytonie de Caroline (Claytonia caroliniana), petite et discrète. Atteignant au plus 10 cm de hauteur, elle croît de façon éparse entre les trilles et les érythrones. Il faut s’y pencher pour contempler les jolies veines rose foncé qui ornent les pétales blancs ou rose pâle.

Caulophylle faux-pigamon
Quant au caulophylle faux-pigamon (Caulophyllum thalictroides), c’est une fleur qui mérite d’être observée de près. Tantôt pourpres, tantôt verdâtres, ces petites fleurs pourraient passer inaperçues. On repère plus facilement le superbe feuillage bleuté ou pourpré qui se dresse déjà à 30 cm du sol, à peine le sol réchauffé. Ce feuillage ressemble effectivement à une version plus grossière du pigamon (Thalictrum sp.). D’ailleurs, on croise souvent les deux plantes côte à côte. Une fois le plant localisé, on peut s’approcher pour en apprécier la qualité florale. À noter qu’on peut l’observer surtout dans les environs du Grand Montréal.
Gardons en tête qu’avec le triste constat qu’une espèce sur huit est menacée d’extinction, le respect de toutes ces belles de nos bois est de mise. Permettons-leur de s’épanouir et de se multiplier librement en milieu naturel, pour le plus grand plaisir des générations à venir.
Comme dirait ma maman: «On regarde avec les yeux!»
Pour en apprendre davantage sur la flore printanière du Québec, et découvrir encore plus de «beautés sauvages», vous êtes invités à assister à la conférence qui se donnera sur le sujet, le mercredi 22 mai 2019, au Centre de formation professionnelle de Mont-Laurier.
Julie Boudreau est horticultrice et rédactrice en chef de la revue Planète Jardin. C’est aussi une grande amoureuse de plantes indigènes.
Photo: Julie Boudreau